Un silence pesant régnait en maître sur le QG. Les ténèbres et la fatigue avaient eu raisons des plus courageux qui, après une courte bataille avec leurs lourdes paupières, étaient partis se coucher. Mais si la plupart avaient le luxe de posséder une chambre rien que pour eux, Eren, quant à lui, passait une nouvelle nuit dans les cachots. Une ou deux couvertures avaient été rajoutées en raison du froid mordant, typique de la saison, mais cela ne changeait en rien le côté austère de l'habitacle. Malgré le cocon chaud que formaient les draps autour du corps du jeune homme, les chaînes à ses poignets restaient désagréables et l’empêchaient de profiter pleinement de ce moment de repos.
A quelques mètres des barreaux, un soldat dormait, assis sur sa chaise, ce malgré la lourde tâche qui lui avait été incombées – c'est-à-dire celle de surveiller l'espoir de l'humanité.
Le sentiment de solitude était amplifié par cette absence de chaleur humaine. L'obscurité et le silence créaient une impression de néants. On n'entendais pas même le vent souffler, aucun pas sur le plafond, pas de rire, rien.

C'est alors qu'une étrange pression sur le côté du lit vint affaisser le matelas, comme si quelqu'un s'était doucement assis. Pourtant, personne à part Eren et l'autre soldat n'était entré dans le donjon. Aucun bruit de pas n'avait été entendus, ni même le grincement de la porte de la geôle. Personne n'avait ouvert, personne n'était entrée, alors qu'est-ce qui pouvait bien être à l'origine de cette présence ?
Une main plongea dans la jungle de cheveux brun. Délicate et chaude, elle caressa les tempes du jeune homme avant de doucement glisser vers l'arrière de sa tête. Ces doigts, trop fin pour être ceux d'un soldat, continuaient leur manège entre les mèches, flattant le garçon de quelques caresses agréables.

« Eren... »

La voix féminine résonna dans la pièce. Quelques trémolos cassaient le timbre délicat.

« Tu as bien grandi. »

La voix se mit à trembler, tout comme les mains qui stoppèrent leurs mouvements, reposant contre la joue du soldat.
Elle se tenait assise à côté de lui. Inchangée, toujours vêtue de son napperon et de sa robe de lin. Ses yeux mordorés, semblant comme onduler au travers d'un rideau de larme, restaient fixés sur son fils. Son regard était remplis de l'amour que seule une mère pouvait ressentir. Cela faisait huit ans ; Huit années durant lesquelles ils avaient tout deux été séparés.

Elle sourit, malgré ses yeux inondés de larmes. Elle n'aurait jamais pu imaginer avoir la chance de le revoir un jour. Mais elle était là, à ces côtés, et cela suffisait à son bonheur.

« Oui...Je suis là. »

Doucement, elle attrapa son fils, le serrant contre lui. Cette étreinte, elle l'avait tant attendu. Le sentir respirer, entendre son cœur battre, voir quel jeune homme combatif il était devenu, c'était tout ce que pouvait espérer une mère après toutes ces années.
Elle déposa un baiser sur le front du soldat.

« Je suis tellement fière de toi. »

« Oui… je suis là. »

Comment ? Eren était immobile, les yeux écarquillés. Six ans plus tôt, il avait vu sa mère se faire dévorer. Elle était morte sans qu'il ne puisse rien y faire. Alors comment ?
Pourtant le contact avait été réel et il voyait les larmes couleur sur ses joues malgré le manque de lumière. Quand elle l'entoura de ses bras et l'attira contre elle, Eren avait toujours du mal à y croire - ce n'était pas un rêve, ce n'était pas un cauchemar. Comment ?
Il eut soudainement l'impression de revenir des années en arrière. Les questions s'évaporèrent de son esprit et il releva des mains tremblantes vers les épaules de sa mère tout en faisait attention aux chaines qui encerclaient ses poignets.

« Je suis fière de toi. »

Elle l'embrassa sur le front. C'est tout ce qu'il suffit pour que l'espoir de l'humanité laisse tomber son front sur l'épaule de sa mère. Elle était fière de lui. Ses épaules s'étaient mises à tressauter avant que ses larmes ne viennent mouiller son vêtement.

« J'ai jamais pu m'excuser. » Il ne cherchait même pas à maîtriser les trémolos de sa voix.