Elle marchait, toujours droit devant elle, en suivant la lueur floutée de l’astre du jour qui déclinait au loin. Ça faisait longtemps, selon elle – soit une petite semaine maximum – qu’elle n’était pas venue errer par ici, tout près du fleuve. Lydvine aimait venir ici, avec Doomer. Elle pouvait sentir le parfum des fleurs, entendre l’eau clapoter et s’imaginer des aventures de capes et d’épées à sa guise. Et puis c’était un peu en retrait de son village et de sa nouvelle maison. C’était calme, même si sa voix fluide et frêle, accompagnée par les aboiements de son chien, résonnaient jusque loin dans les plaines environnantes. La faute à l’écho, comme d’habitude.

La fillette continua à marcher jusqu’à ce qu’elle sente parfaitement l’humidité sur le bout de son nez. Ne tenant plus, elle ôta délicatement ses souliers et glissa doucement l’extrémité de ses jambes dans l’eau fraiche de ce torrent. Elle adorait faire ça. En fermant les yeux, elle se sentait … vivante. Et puis elle s’essayait à la fouille de sa mémoire, de temps en temps, lorsqu’elle était dans ce genre de d’humeur. Voyons voir, est-ce qu’une petite parcelle de souvenir supplémentaire lui reviendrait aujourd’hui ?

Question rhétorique, elle savait d’avance que ce ne serait pas le cas. Et puis elle s’en fichait un peu. Lydvine fit quelques tours sur elle-même en riant, envoyant de l’eau valser çà et là autour de la fragile unité qu’elle était. L’air était tiède, ce soir. La nuit allait encore être suffoquant, avec un peu de malchance. Bon, en soit, ce n’était pas comme si c’était très grave, elle dormait la fenêtre ouverte ; mais bon quand même. Tout à coup, Doomer se met à aboyer vers l’arrière. La brunette se retourne mais ne distingue pas grand-chose, de là où elle se trouve. Alors elle interpelle son animal de compagnie. Et accessoirement chien guide de presque aveugle.

[♥]« Doom’ ? Tu as trouvé un lapin ? »

Elle ne se doutait pas à quel point elle pouvait être loin de la vérité, ce coup-ci ! Quoi que …

Le soleil venait tout juste de disparaître derrière les murs, il cessa aussitôt de plisser les yeux, n'ayant plus de lumière dans les yeux, l'astre du jour, bien qu'il se couchait restait aveuglant tant et aussi longtemps qu'il ne disparaissait pas derrière le mur. Un petit rire lui échappa, alors qu'il profitait pleinement du moment de détente que lui offrait le chemin de retour vers la caserne après une journée de travail dans le district de Trost. Il inspira bruyamment, les couchers de soleils, bien que beaucoup plus beaux à l'extérieur des murs - où l'on pouvait admirer tout le panorama sans qu'un gros mur de 50 mètres nous bouche  la vue- avaient un charme indéniable, et ce, peu importe où on se trouvait.

Il trottinait un petit sourire aux lèvres en prêtant très peu d'attention à ce qui l'entourait, visiblement insouciant et imperturbable dans ses rêveries. Il sourit en voyant la gamine les pieds trempés dans l'eau. À vrai dire, il avait franchement envie de l'imiter, mais il doutait que la faune et la flore locale apprécie qu'il retire ses bottes qu'il avait portées toute la sainte journée. Il ricana de nouveau en imaginant une foule en colère torches et fourches à la main pour le forcer à remettre ses chaussures pour leur épargner l'odeur d'une journée de labeur et les poissons qui flottaient -morts- après qu'il ait trempé ses bottes.  Et puis pourquoi enlever ses bottes? Il prit son élan pour se jeter dans le fleuve, indifférent qu'on le voit faire. Les gens penseront ce qu'ils voudront! Un soldat n'en reste pas moins un humain, et dans son cas, un humain qui embrasse pleinement les petits bonheurs de la vie. Il aurait AMPLEMENT le temps de sécher le temps de rentrer se disait-il, ses supérieurs n'allaient se douter de rien. Il s'élança à toute allure en riant aux éclats.

Toutefois les aboiements rauques d'un chien le ramenèrent rapidement à la réalité alors qu'il manquait de culbuter sur celui-ci. Il hoqueta de surprise et recula d'un bond. L'animal ne lui avait pas vraiment fait peur, loin de là. C'est surtout le fait qu'il ne l'ait jamais vu avant qu'il aboie qui l'avait fait sursauter. Il avait toujours aimé les chiens de toute façon particulièrement les gros! Il se mit la main sur la poitrine le temps de se remettre de la surprise, un sourire aux lèvres. Il chercha l'éventuel propriétaire des yeux sans penser une seconde qu'il pourrait s'agir de l'enfant.

« Doom’ ? Tu as trouvé un lapin ? »

Il haussa les sourcils et dévisagea le chien. Donc il s'appelait Doom? Il releva la tête vers la gamine et s'approcha l'air de rien:

« Non! Héhé qu'un simple idiot qui est passé trop près!~ »

Il se pencha pour se mettre à sa hauteur, toujours sur la berge:

« C'est ton chien? »

Il lui sourit doucement en regardant ses lunettes admiratif: elles étaient cool! Il lui en faudrait une paire. Il releva la tête et les yeux vers la droite, en s'imaginant parader dans le QG de la section d'exploration avec une sale attitude de mâle alpha  dans les couloirs sous les regards admiratifs de ses frères d'arme! Avec un peu de chance il pourrait les acheter avec une partie de son salaire ou tout simplement apprendre où elles se les était procurées! Histoire de faire bonne impression envers le compagnon de la gamine, il lui présenta le dos de sa main pour qu'il la renifle, histoire de faire les présentations.

A vrai dire, lorsque Doomer s’était mis à s’agiter, Lydvine ne pensait pas du tout qu’il puisse s’agir d’un être humain. Ou plutôt, d’un individu autre que sa maman ou son papa, venu la chercher pour la sermonner encore sur son imprudence maladive.

Aussi, elle fut prise d’une sorte de sentiment à mi-chemin entre le soulagement et la profonde curiosité lorsque ses oreilles captèrent parfaitement les vocalises d’un genre nouveau, qu’elle n’avait encore jamais entendu nulle part ailleurs. Cette voix, elle était rassurante, ça, la fillette aurait pu le juré mieux que personne. Surtout que son ouïe s’était grandement améliorée depuis qu’elle devait endurer son supplice visuel quotidien. Immédiatement, l’engrenage infernal et enfantin qui logeait dans sa tête se mit en marche. Elle eut envie de poser un milliard de question à la seconde, au moins ! Son cœur battait fort fort fort. Elle avait rarement l’occasion de voir – enfin, dans son cas d’entendre- des gens autre que sa famille de substitution ou les clients de ces derniers, venir à elle, tout naturellement.

Du coup, elle se sentait un peu déstabilisée. Mais ce n’était pas déplaisant, bien au contraire. Surtout que le nouvel arrivant – enfin, elle supposait, vu le timbre de voix, que c’était un homme – n’avait pas semblé agressif envers elle. Ou dégoutée, ce qui aurait très bien pu arriver, dans la plus logique des choses. Un immense sourire vint coloniser les lèvres de l’enfant alors qu’elle distinguait une ombre bigarée sur le tableau flouté qui l’entourait. Bon, à première vue, c’avait l’air d’être à peu près humain, comme elle. Puis ça ne pouvait pas être un titan, ils ne parlent pas, pas vrai ? De nouvelles questions germèrent dans son petit crâne. Ses lèvres brulaient d’impatience, mais elle ne savait comment commencer tout ça. De plus, la brunette se permettait de rassembler ses interrogations sans avoir pris connaissance des volontés de son presque homologue.

Mais bon, elle était comme ça, Lydvine. Elle parle, elle parle, elle parle. Elle dit des âneries. Elle excelle dans ce domaine, après tout. Mais c’est pour ça qu’on l’aime. Ou pas.

Puis bon, vu que l’autre individu n’avait pas semblé prendre la mouche en se faisant comparé à un lapin et qu’il lui avait même adressé la parole par la suite -après avoir plongé dans la flotte soit dit en passant-, ça ne devait pas le déranger plus que ça, n’est-ce pas ? Puis bon, après tout, qui ne tente rien n’a rien. Pour ne rien gâcher, Doomer paraissait l’apprécié parce que la gosse l’entendait haleter et remuer la queue en abattant cette dernière sur l’herbe sèche, juste à côté.

Nouveau sourire. Elle répond, le plus naturellement du monde.

[♥]« Oui oui, c'est mon chien! Il s’appelle Doomer! Il est beau pas vrai ?! »

Elle termine avec un petit saut sur place. Et puis ses joues se redressent et la voilà qui part dans un discours, comme une pile électrique.

[♥]« Dis dis dis, comment tu t’appelles ? Moi, c’est Lydvine ! Et j’ai dix ans ! Et toi ? Et puis pourquoi t'as sauté dans l'eau ? » Fit-elle en tournant autour de ladite personne encore inconnue.

Et se fut tant et si bien qu’elle se prit les pieds bien l’un dans l’autre, tombant à la renverse sur son coxis, comme d’habitude lorsqu’elle ne faisait pas suffisamment attention. Malgré tout, elle riait.

[♥]« Ouille ouille ouille ! »

Lydvine se masse un peu le bas du dos mais elle reste comme elle est, à même le sol, les cheveux dans tous les sens. Parce qu’elle vit comme si s’était ses derniers instants … A tout moment. Parce qu’elle n’est qu’une enfant.

La gamine semblait avoir environ quoi: six ou sept ans? En tout cas, elle était petite et c'était clairement une enfant. N'ayant jamais vraiment côtoyé d'autres gamins beaucoup plus jeune que lui, ça lui semblait difficile de lui mettre un âge précis au visage, surtout qu'il ignorait à quel âge ils atteignait cette taille. Une chose était certaine, la gamine était souriante et ça suffisait amplement pour qu'il agrandisse son sourire à lui, la bonne humeur des autres suffisait à alimenter la sienne à vrai dire et qu'y a-t-il de plus joyeux que de regarder une petite fille jouer avec son chien? Il prit le temps d'y réfléchir et songea en se retenant de glousser, amusé par ses propres jeux d'esprits:

- Deux petites filles qui jouent avec leur chien! ~

Il caressa la tête du chien, attentif à ce que l'enfant avait à dire. Si le chien était beau? Bonne question à vrai dire, il n'avait pas pris le temps de le détailler plus que pour réaliser que c'était un chien, et qu'il n'était pas petit. Il hocha de la tête et redoubla l'intensité des grattouilles qu'il faisait sur la tête de Doomer:

- En tout cas, Doomer, tu es un très beau chien! - il détourna son attention du chien pour rétorquer à Lydvine- T'es chanceuse d'avoir un aussi beau chien!

Il sourit en la voyant sautiller sur place et se redressa complètement alors qu'elle le contournait pour la laisser faire son petit examen de son apparence, sans se penser que l'enfant était aveugle. Attentif à ce qu'elle disait, il écouta chacune de ses questions et répondit machinalement à chacune de ses questions:

- Jamie, mais tu peux m'appeler JD ! Enchanté Lit de vigne! ~ héhé.

Il ricana, franchement amusé par son jeu de mot et ronronna:

- Tout simplement parce que j'en avais envie!

Il hoqueta légèrement en la voyant tomber et tenta de la rattraper sans succès. À la place, il la prit par les aisselles pour la redresser:

- Fait attention! Je sais que je suis à en tomber par terre , mais fait attention quand même!

Il rit une fois la gamine sur ses jambes et lui donna un petit coup de coude en s'installant assis à côté d'elle:

- Huhu, t'as compris? Je suis beau à en TOMBER PAR TERRE! Et t'es tombé!

Il se tapa la cuisse en ricanant à la manière d'une hyène, hilare. Il prit ses aises sur le sol, sans trop se soucier de rentrer à la caserne. Il n'y avait pas urgence de toute façon non? Enfin, s'il n'y avait pas de titan ici, il n'y a pas de quoi s'en faire n'est-ce-pas?

Lydvine n’aurait pu être davantage ravie. Enfin quelqu’un pour lui faire la conversation ! En plus, il semblait qu’elle avait affaire à une très gentille personne, ce qui n’aurait su être déplaisant. Elle l’aida même à se redresser ! Plus les secondes s’effilait sur les aiguilles de Chronos et plus la petite brune appréciait cette connaissance, jusque-là inédite. Elle continuait de sourire, parce qu’elle adorait ça. Ne jamais arrêter de faire quelque chose que l’on aime, c’était ainsi qu’elle fonctionnait, tout simplement. Elle écoute attentivement le damoiseau, qui se trouve s’appeler Jamie, répondre consciencieusement à ses questions.

Par la même occasion, il remonte encore dans l’estime de la minuscule Dorn. En même temps, peu de gens prendrait la peine de faire la même chose, sauf si la bonne humeur les emplie pleinement. Ce qui est rare, dans notre actuel contexte, n’en doutons pas.

Aussitôt, Lydvine pose un doigt sur son menton et lève la tête vers le ciel comme si elle réfléchissait. Non, enfaite elle réfléchit vraiment. Que le pauvre jeune homme en face d’elle en profite, il s’agit surement là des dernières minutes de calme avant la tempête miniature que cette gosse demeure être en tout et pour tout. D’abord, elle essaie de comprendre. Ensuite, elle pose une question, pour s’assurer que ses pensées vont dans le bon sens du souci rencontré.

[♥]« A en tomber par terre... ? Ca veut dire que tu ne sais pas marcher sans tomber à chaque fois ? »

Elle ne voit que des couleurs vaguement pastel lorsqu’elle fixe le ciel, mais qu’importe. Son crâne redescend pour fixer de nouveau cette opacité juste devant elle. Lydvine est curieuse. Lydvine est joueuse. Lydvine laisse courir son instinct premier. Elle peut se concentrer, mais jamais une éternité. Elle ne serait plus petite fille pourrie gâtée, sinon.

[♥]« Ca veut dire que tu es comme moi alors?! On peut être amis dis dis dis?! »

Elle est convaincue par ses propres arguments, en plus. Maintenant, vous avez le choix entre rire aux larmes devant sa stupidité ou là trouver désespérante à souhait. Quoi que, un mélange subtil des deux pourrait aussi convenir, cela dit. Il faut dire qu'elle n'as pas non plus souvent l'occasion de marcher indéfiniment sans se prendre les pieds l'un dans l'autre et tomber à la renverse - logique lorsque l'on ne voit pas très clair... Alors, trouver une personne potentiellement semblable à elle suffirait pour faire de cette journée une date à graver dans la pierre.

Lydvine était un peu déçue, dans le sens ou ce garçon se portait très bien, lui. Il n’était pas maladroit ou savait se tenir convenablement sur ses jambes, d’après ce qu’elle en savait maintenant. Mais bon, elle n’en faisait pas un complexe, après tout, ce n’était pas comme si c’était la première fois qu’elle s’en rendait compte. Elle pensait juste avoir trouvé une personne lui étant semblable… mais non ! Enfin, pas sur cet aspect, en tout cas. Tant pis, ce sera pour la prochaine fois ! En attendant, elle appréciait déjà beaucoup ce Jamie. Il lui permettait de s’amuser un peu sans entendre de moqueries proférer à mi- mots par les autres enfants. Les gosses sont cruels, surtout entre eux. On ne le sait peut-être pas au premier coup d’œil, mais Lydvine n’est pas très appréciée, du fait de sa différence. Enfin, qu’elle soit aveugle n’est pas, en soit, un problème immensément dérangeant. Mais ses yeux rouges – dont elle ne sait presque rien non plus au final- effraient les autres individus de son âge qui s’enfuient en la laissant derrière, non sans l’insulter au passage.

Mais elle n’y prend pas garde, Lydvine. Elle rit, elle sourit, elle veut grandir. Elle est naïve et ne voit pas que le monde est immensément bâtard envers tout ce qui vit. Non, elle ne voit pas ça, la gamine. Pour elle, il n’y a que du bon dans chaque individu. Mis à part les Titans, elle ne voit pas de quoi il faut se cacher. Elle ne comprend pas encore toute la férocité et la soif de cet univers pour le morbide. Lorsqu’elle comprendra, sa petite utopie tombera en un millier de morceaux et ça fera mal, très mal. Surtout à son petit cœur d’enfant qui ne voulait rien voir sinon la chaleur humaine. Mais ce sujet sera à aborder un peu plus tard. Pour le moment elle profite de ce qui pourrait bien être ses derniers instants d’insouciance.

Et puis elle venait de gagner un ami ! C’était fantastique ! Bon, elle ne discernait pas bien son visage et il ne ressemblait qu’a une vague forme floue, comme tout ce qu’elle pouvait discerner pour le moment, mais c’était déjà mieux que rien. Lydvine était très contente. Doomer revint vers elle, se laissant étreindre par les petits bras maigrichons de la petiote.

[♥]« T’as vu Doomer ? On a un nouveau copain maintenant ! »

Forcément, si Jamie devenait son ami, alors il devait aussi devenir celui de Doomer, ce n’était pas possible autrement, dans sa logique maladroite. Mais bon, c’était ce qui faisait de la petite Dorn une incarnation de la jovialité. Pourquoi lui retirer ça alors que ce ne serait en rien utile ? Cependant, il y avait une chose qu’elle aurait voulu comprendre.

[♥]« Derrière le Mur Sina… ? Pourquoi faire ? J’ai été méchante ?! C’est pour me punir ?! »

La gosse avait entendu bien des choses sur ce fameux Mur, mais elle ne savait pas trop quoi en penser. D’un côté, sa « mère » lui disait que c’était un endroit fantastique ou la nourriture abondait et ou la vie était plaisante ; mais de l’autre, tous les autres, au marché ou ailleurs, ne faisait que proférer d’horribles mots contre les populations qui y résidaient. Du coup, fatalement, elle ignorait encore ce qui pouvait bien se passer par-delà cette construction-ci. Il fallait qu’elle soit rassurée, sinon elle aurait tôt fait d’avoir peur de cette chose-là. Et Lydvine, s’il y a bien une chose qu’elle n’aime pas, c’est d’avoir peur. Ça ne lui réussit pas. Vraiment.

Lydvine semblait un peu réticente tant qu'au mur Sina et avec raison au fond avec ce qui devait se dire ces temps-ci. Loin de s'intéresser réellement aux soucis à l'intérieur des murs, il ne s'intéressait pas à ce qui s'y trouvait et les conflits qui séparait la population. En fait, il était au courant, mais ne s'en souciait pas plus que ça. Loin d'être du genre à ce dire que ce n'était pas son travail, mais il était plutôt du genre optimiste et ne préférait pas se prendre la tête avec ça puisque très bientôt, le monde serait débarrassé des titans et que toutes ces histoires de murs seraient de l'histoire ancienne! D'ailleurs, il se gardait bien souvent de parler de ses origines, sauf quand c'était absolument nécessaire, enfin il l'avait peut-être fait une fois pour corriger un homme qui lui avait confié que les nobles n'étaient que de gros pleins de soupe qui restaient cloîtrés dans les murs sans se soucier du sort du reste de l'humanité. Il sourit en se rappelant le profond malaise de l'homme à ce moment et se pencha pour se mettre à genoux devant Lydvine pour la rassurer:

- Non, non! Ne t'en fais pas! Je me suis dit que tu pourrais aimer y aller avec moi, c'est un bel endroit et on n'y manque de rien!

Il sourit bêtement et dit dans un petit sourire:

- Et t'avoir là pourrais peut-être faire oublier à ma mère que son fils est dans l'armée tu vois? ~

Il lui ébouriffa les cheveux de la gamine, l'air taquin:

- Mignonne comme tu es, je ne vois pas comment on pourrait vouloir te punir. ♥

Il releva les yeux vers le ciel et grimaça en réalisant qu'il faisait de plus en plus noir. Il devait rentrer à la base, mais en même temps, il se sentait coupable de laisser Lydvine toute seule, autant la raccompagner:

- Il commence à faire noir, tu veux que je te raccompagne?  


[Merci! ♥ Je me sens mal de te pondre un truc aussi merdique à la va-vite du coup! C'est surtout pour avancer et arrêter de procrastiner, je ferai mieux prochaine fois! ;w; ]

Bon, la petite était rassurée. Il n’avait pas l’intention de la punir. Ce qui était en soit une double bonne nouvelle. De un elle ne serait pas réprimander et de deux, elle n’aurait donc pas à en avoir peur. Et c’était tant mieux. Car elle n’aimait pas avoir peur. Pas du tout. Heureusement que ça ne lui était pas arrivé à de nombreuses reprises, sinon elle ne sortirait probablement plus de chez elle. Mais là n’était pas la question puisque de toute façon, ça n’arriverait pas. Elle écoutait donc son nouvel ami, bientôt rejointe par Doomer qui frottait sa tête contre son petit buste minuscule. Oh, c’était donc un si bel endroit, le Mur Sina ? Elle se le demandait, maintenant. Son sourire revint de plus bel alors qu’elle sentait la grande main de Jamie sur le haut de sa tête. C’était rare qu’on soit aussi prévenant avec elle. Mais ça lui plaisait. Et puis Doomer ne manifestait aucun grognement à l’encontre de cet homme, ce qui était également peu courant. Enfin, suffisamment pour le souligner, en tout cas.

[♥]« Je suis rassurée alors ! Je pensais avoir fait une bêtise, encore ! »

C’est bien vrai. Elle ne savait faire que ça, en plus. Du moins, c’était l’impression qu’on avait d’elle en la voyant ainsi, l’espièglerie se lisant sans mal sur son visage encore très poupon.

[♥]« Bah, moi je veux bien venir alors si c’est pour faire plaisir à quelqu’un. Mais faudra d’abord demander à maman et papa, parce que je ne peux pas partir trop longtemps sans leur permission, ils n’aiment pas tu sais ? Ils s’inquiètent je crois. Et puis je ne peux pas laisser Doomer seul non plus. Il serait triste le pauvre ! »

Ce que Lydvine ne savait pas, c’est que ses « parents » seraient ravis qu’elle parte pour le Mur Sina. Non pas pour se débarrasser d’elle, ils y sont bien trop attachés maintenant, mais pour lui offrir une vie correcte ou elle ne manquerait jamais de rien. Certes, les Dorn faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour gâter la petite et jusque-là, elle n’avait jamais eu à se plaindre de quoique ce soit, mais ici-bas l’on était pas à l’abri d’un incident qui ferait basculé l’économie, bien moins solide que celle derrière le dernier mur. Oh non, elle ne savait rien de tout ça. Et toute manière, qu’est-ce qu’elle pourrait y faire ? Une enfant de dix ans, comme elle, ne comprendrait pas tout. Comme c’est le cas présentement, d’ailleurs. Même si elle ne le voit pas. Dans tous les sens du terme.

[♥]« Si tu veux oui ! Comme ça je te montrerais ma maison ! Et peut-être que maman te donnera une brioche aussi ! »

Très enthousiaste, Lydvine vint s’accrocher au cou de Jamie. Ce qu’elle était heureuse de s’être enfin fait un ami, un vrai !

Elle s’interrogeait un peu tout de même. Le Mur Sina, ça ressemblait à quoi ? On y trouvait quoi ? A chaque fois que Madame Dorn lui en parlait, c’était un peu comme d’un endroit plein de merveilles et de choses confortables, ou la vie était oisive et sans soucis. Enfin ça, c’était ce qui s’en disait lorsque l’on en parlait en bien. Et la fillette avait un peu de mal à tout saisir. Pourtant, sa vie lui semblait déjà bien confortable alors… c’était possible de faire plus ? Elle se demandait bien comment. Maintenant, il ne restait plus qu’à voir si les Dorn allaient être d‘accord pour la laisser partir quelques temps. Car oui, la demoiselle haute comme trois pommes n’avait pas bien compris que c’était là une solution tout sauf temporaire sur le long terme. Pour elle, il ne s’agissait que d’un court séjour durant lequel elle allait faire pleins de découvertes avant de rentrer chez « elle », comme à l’accoutumée. En soit, ça ne la dérangeait pas plus que ça, des voyages, elle en avait déjà fait plusieurs avec les boulangers. Elle n’était pas effrayée le moins du monde.
Mais maintenant, il fallait préciser quelques petits points qui semblaient d’une importance capitale à la gamine. Même si au final, ce n’était pas grand-chose.

[♥]« Oh tu sais, j’ai peut-être un peu menti. Monsieur et Madame Dorn, c’est pas mes parents en fait ! Mais ils sont très gentils tu sais ? Il ne faut pas leur en vouloir, ce n’est pas de leur faute ! Le médecin, bah il m’a dit que je venais du mur Maria quand il y a eu les problèmes que je n’ai pas compris. Ma vraie maman et mon vrai papa, je sais pas où ils sont. »

Malgré la teneur de son petit discours, elle ne paraissait pas attristée. Et c’était le cas. Lydvine n’avait pas suffisamment de souvenir de ses géniteurs pour être triste à leur sujet. D’aucun dirait que c’est une bien triste chose ; d’autre au contraire était satisfait pour elle, encore trop jeune pour connaître le deuil que tous veulent bien lui imputer sans le lui dire. Après tout, il n’y a eu que très peu de survivants de cette catastrophe. Combien de chance pour que ses parents biologiques s’en soient tirés sains et saufs ? Très voir trop peu, malheureusement. Mais ça, elle ne le sait pas. Et ça ne parait pas l’intéresser. Tant mieux. D’ailleurs, elle embraya directement sur un autre sujet.

[♥]« Oh je sais pas si madame Dorn elle va vouloir ! Il n’y a que Doomer qui arrive à avoir du pain en faisant le beau… Mais toi t’as pas assez de poils pour ressembler à Doomer je crois… »

Ses deux petites mains rejoignirent les joues du soldat, assez maladroitement. Le pire c’était qu’elle croyait à son argument dur comme fer.

[♥]« Dis dis, tu m’en veux de t’avoir menti à propos de mon papa et ma maman ? »

Eh oui mine de rien ça la travaillait. Elle avait que les menteurs finissaient toujours seuls et qu’on ne les aimait pas beaucoup. Enfin c’est ce qu’avait dit Monsieur Dorn, un jour, en parlant des escrocs qui sévissaient dans Trost. Hors Lydvine, elle ne voulait pas qu’on la laisse seule. Elle voulait encore s’amuser. Et puis elle n’avait pas fait exprès de mentir, en plus !